Rencontre de la sophrologie et du numérique - Mon enquête
Les conditions sanitaires de ces dernières années ont fait évoluer le métier de sophrologue dans l’accompagnement des clients.
Jusqu’en janvier 2020, les sophrologues recevaient leurs clients en cabinet et de façon très ponctuelle faisaient des accompagnements en visioconférence. Dans cet article, je vais m’intéresser à décrire l’évolution du métier vers le suivi des clients en distanciel.
En tant que responsable du Pôle Sophrologie et Acouphènes® , un réseau francophone de 200 sophrologues spécialisés dans les troubles de l’audition, j’ai demandé aux membres de ce réseau de me livrer leur expérience sur l’évolution de leur pratique sur ces deux dernières années. Pour mener à bien cette enquête, j’ai proposé un questionnaire en ligne et 110 sophrologues ont accepté d’y participer.
Avant le premier confinement, la séance à distance représentait une très faible partie de l’activité. Dans cette enquête, 20 % des sophrologues indiquent avoir réalisé au moins une fois un rendez-vous à distance.
Pendant le confinement, pour maintenir le lien, continuer le suivi de leurs clients, ce pourcentage qui était de 20 % est passé à 80 % , ce qui veut dire que très majoritairement les sophrologues ont mis en place un suivi à distance de leurs clients.
Et aujourd’hui qu’en est-il ? A ce jour, 75 % des participants de cette enquête proposent des séances à distance dans le suivi de leurs clients. Mais ce suivi à distance représente pour 90 % d’entre eux moins d’un quart de leur clientèle.
Evolution de l’emploi des séances à distance
L’enquête révèlent les éléments suivants.
Les avantages du distanciel :
Les sophrologues notent que les clients sont plus réguliers dans leur parcours, il y a peu d’annulation et un apprentissage avec parfois des séances plus rapprochées qu’en présentiel. Ils indiquent également que l’alliance et l’empathie avec le client peuvent se faire avec autant d’efficacité que lors d’un suivi en présentiel.
Les clients, quant à eux, expriment plusieurs points positifs : le confort d’être chez soi, un gain de temps, la flexibilité des horaires, la régularité même si on a plusieurs résidences, si on est en déplacement professionnel, si on déménage ou si on part à l’étranger. Le but étant de poursuivre et de terminer son suivi avec le sophrologue en fonction des objectifs recherchés.
A noter également :
Les sophrologues remarquent l’élargissement de leur clientèle avec davantage de jeunes, des adolescents, des étudiants, de jeunes adultes pour qui les écrans sont un mode de communication naturel.
Le distanciel permet la création de nouveaux outils collaboratifs et facilement accessibles, favorisant ainsi la répétition et l’autonomie, une des clés de la réussite du parcours d’accompagnement. Il en est ainsi des séances de sophrologie en collectif qui ont rencontré un vif succès pendant cette période auprès d’un public plus large.
Ma longue expérience professionnelle en cabinet me fait aussi garder le distanciel pour les cas sévères d’acouphènes invalidants, les personnes souffrant de la maladie de Ménière, en proie à de violents vertiges. Je tisse pour ma part avec ces personnes en grande difficulté une alliance thérapeutique de qualité.
Les limites du distanciel :
Les sophrologues notent que la guidance à distance nécessite de s’adapter aux conditions de l’internet et de la qualité de la connexion. Ils regrettent le manque d’interactivité surtout en collectif, avec une parole parfois séquencée.
Un autre point très important soulevé par l’enquête : le non-verbal réduit à un visuel à travers l’écran. En effet, le corps renseigne sur l’état psychique et physique, à travers sa posture, ses silences, ses expressions, le rythme de la respiration. Il est plus difficile de se synchroniser sur certaines pratiques proposées. Conséquence : il est important de demander à la personne, après avoir vécu la pratique, d’exprimer encore davantage son ressenti avec des mots.
Pour notre spécialisation "troubles de l’audition", nous ne sommes pas en contact avec l’environnement sonore du lieu où se trouve notre client. Il faut là aussi, sur ce point, faire décrire davantage ce qui est entendu, ce qui est aimé, ce qui est détesté.
Dans le cas d’une personne souffrant de vertiges, notre absence sur le lieu ne peut pas protéger notre client en cas de perte d’équilibre.
Les clients notent les freins au distanciel : la qualité de la connexion internet, la vie de la famille dans les pièces voisines, la difficulté de lâcher le quotidien pour être totalement présent à la séance.
Pour exemple : je recevais en fin de journée en consultation une mère de famille qui était en télétravail pendant les heures de bureau. L’intimité de la séance était limitée, car pendant nos entretiens, elle était aux aguets sur l’arrivée de son fils après ses cours et ne se sentait jamais très détendue.
En conclusion
La téléconsultation représente un outil complémentaire et pertinent. Il ne conviendra pas à tout le monde : il existe un public pour le présentiel et un public pour le distanciel.
Une offre mixte peut aussi être intéressante. En cas de suivi en distanciel, nos collègues soulignent l’importance d’une première séance en présentiel pour présenter le protocole, tisser une alliance et l’importance de la dernière séance du protocole en présentiel pour faire ensemble un point et une synthèse.
Le métier de sophrologue reste aujourd’hui en 2022 celui du présentiel intégrant une qualité de présence dans l’intimité d’un cabinet professionnel.C’est un métier de relation à l’autre où la posture et l’écoute peuvent se déployer encore plus naturellement en face à face sans l’écran.
Le présentiel reste donc la norme. On constate que le suivi à distance proposé par les sophrologues est une option complémentaire. On commence à voir des sophrologues dont l’offre de suivi est exclusivement en distanciel. Dans tous les cas, l’adaptabilité du sophrologue reste au centre de l’accompagnement et du suivi du client.
Je remercie les membres de notre réseau d’avoir contribué à ce partage d’expérience.
Patricia Grévin, sophrologue, formatrice et co-fondatrice du Pôle Sophrologie et Acouphènes®